Pourquoi tu joues ? Un projet pour décrypter les émotions autour du jeu vidéo
Jouer aux jeux vidéo, ce n’est pas simplement regarder un écran ! C’est vivre une expérience enrichissante et impactante. C’est pourquoi nous avons entrepris de plonger au cœur des émotions transmises par ce média populaire.
Parce que jouer aux jeux vidéo peut faire du bien et être une source de plaisir, de divertissement et même de connexion sociale, notre objectif est de capturer ces inspirations, de les comprendre et de les valoriser.
Que vous soyez un·e joueur·euse ou simplement intéressé·e d’en apprendre davantage sur ce qui vous pousse à expérimenter ce média devenu de nos jours incontournable (cf. Infographie), vous êtes au bon endroit !
On peut considérer la Belgique comme comparable à la France.
L’industrie du jeu vidéo est en pleine évolution depuis plusieurs années. Sa place est devenue incontournable au sein des médias de divertissement.
Ce graphique est intéressant, car il illustre l’état de ce secteur avant la crise du Coronavirus. En effet, avec les multiples confinements, l’industrie vidéoludique a enregistré une croissance économique jamais atteinte. De nos jours, cette évolution est toujours présente même si moins forte depuis 2022.
La genèse du projet « Pourquoi tu joues ? »
« Tu joues trop ! », « Cela ne t’apporte rien de jouer aux jeux vidéo ! », « Tu restes enfermé·e tout·e seul·e chez toi à force de jouer ! » Qui n’a jamais entendu ou subi ce discours qui se perpétue ?
Malgré cela, ce média attire. Pourquoi ?
Notre projet s’inscrit dans l’évolution des nouvelles technologies et de leurs usages. Cette évolution entraîne des craintes auprès du grand public. Or, ce serait dommage de passer à côté d’innombrables opportunités. Se concentrer uniquement sur les quelques risques liés au jeu vidéo (qui ne concerne qu’une minorité des joueur.euse.s) c’est faire abstraction de questions potentiellement plus intéressantes : pourquoi joue-t-on aux jeux vidéo ? Que peut-on y chercher et trouver ?
Jouer, c’est vivre des expériences au sein même d’un média. Cela procure des sensations, des émotions. Ensuite, recommencer à jouer, c’est se sentir motivé à renouveler l’expérience. Quelles sont ces motivations ?
Certaines fois, cette motivation vire à l’obsession et nuit à la santé physique et/ou mentale. Pascal Minotte, psychologue et chercheur au Centre de référence en santé mentale (CRéSaM), expliquait en 2021 lors d’une interview que son expérience lui avait démontré que les situations les plus préoccupantes sont souvent liées à des usages excessifs, principalement axés sur les jeux vidéo. Selon lui, ces usages excessifs sont la conséquence d’une souffrance.
Ce qui importe véritablement, c’est plutôt d’interroger la souffrance ressentie par l’individu : est-ce que l’utilisation intensive est motivée par le besoin d’un cadre rassurant présent au sein du jeu vidéo ?
Notre objectif est de favoriser une approche apaisée du jeu vidéo en promouvant le plaisir partagé, en encourageant la réappropriation créative des contenus et à terme ouvrir de nouveaux horizons d’intérêts.
Pour ce projet qui vise à la création d’un dispositif permettant de recueillir les motivations des joueur·euse·s, nous nous appuyons sur l’expertise et l’expérience de l’ASBL Média Animation. En plus de profiter de leurs avis aiguisés sur le dispositif de récolte des données et sur nos méthodologies, nous avons pu nous inspirer de leur travail sur des projets précédents.
Notre méthodologie
Pour la réalisation de notre dispositif de récolte de données sur les émotions et motivations des joueur·euse·s de jeux vidéo, nous avons conçu une méthodologie en trois étapes qui s’adaptent à notre public cible, les jeunes de 9 à 18 ans.
La première étape de notre méthodologie vise à créer un environnement de confiance où chacun peut librement exprimer sa pratique vidéoludique. Nous commençons par une discussion informelle sur les jeux auxquels nous jouons actuellement en vue de questionner les participant·e·s. Cette étape permet non seulement de briser la glace, mais aussi de présenter les animateur·trice·s et de reconnaître les pratiques des animée·s quelles qu’elles soient.
La deuxième étape consiste à s’imaginer projeté dans l’univers vidéoludique en passant par la création de son propre avatar. À travers cette expérience, nous visons à recueillir des données sur le profil des répondants tout en préservant leur anonymat. Cette activité, plus ludique, évite ainsi l’aspect ennuyeux parfois associé péjorativement aux questionnaires post-jeu. De plus, nous espérons que cette autoprojection dans un univers virtuel diminue la crainte de jugement de ses goûts par les pairs.
La dernière étape de notre dispositif se concentre sur notre interprétation de la typologie de Yee et Ducheneaut (2019) disponible sur le site Quantic Foundry. Notre objectif est de comprendre les motivations des joueur·euse·s dans l’univers vidéoludique en nous appuyant sur les douze motivations identifiées par ces chercheurs. Nous avons adapté cette typologie en proposant de se positionner par rapport à chaque motivation à travers des situations concrètes. Par exemple, pour évaluer la motivation « communauté », nous posons la question : « Préférez-vous jouer seul·e ou à plusieurs ? » Les répondant·e·s doivent alors choisir parmi trois réponses possibles : « plutôt oui », « entre les deux » ou « plutôt non ».
Nous choisissons cette ressource scientifique au détriment de la typologie de Richard Bartle, souvent perçu comme incontournable dans ce domaine. Certainement novatrice à son époque, elle présente des limites méthodologiques importantes, notamment en ce qui concerne la généralisation de ses résultats à d’autres contextes et populations de joueur·euse·s. En effet, les données collectées datent de 1996 et sont principalement issues d’un public jouant à des Multi User Dungeons (jeu de rôle communautaire virtuel), ce qui constitue un biais temporel et contextuel significatif. De plus, elle s’articule avec une classification des joueur·euse·s en seulement quatre catégories avec un choix binaire pour chacune, ce qui limite la capacité à saisir la diversité et la complexité des motivations de jeu.
En revanche, la typologie de Yee et Ducheneau est basée sur une analyse approfondie des motivations à travers une vaste base de données plus représentative de joueur·euse·s du monde entier. Par ailleurs, elle se légitime par ses nombreuses utilisations, citée 4000 fois selon Quantic Foundry (2024) dans l’industrie du jeu vidéo.
Grâce à ce dispositif, nous espérons mieux comprendre pourquoi nous jouons afin de légitimer le jeu vidéo. Il est à noter toutefois que nous n’avons pas d’aspiration académique : nous sommes conscients que notre dispositif ne permet pas une récolte de données objective ni même réellement représentative des raisons réelles pour lesquelles nos animé·es jouent. Il s’agit d’un dispositif expérimental qui permet de donner une idée de ce que pensent les enfants avec qui nous sommes en contact.
Des balises temporelles
Ce projet se déroule de janvier à décembre 2024 en quatre étapes clés :
- De janvier à mars, nous avons délimité notre projet avec nos partenaires et coconstruit le dispositif.
- D’avril à octobre, nous réaliserons les tests dans le cadre de nos ateliers afin d’améliorer notre dispositif.
- Pendant l’été et au début l’année scolaire 2024-2025, nous animerons des ateliers au sein d’écoles secondaires afin de récolter des données.
- Pour la fin de l’année 2024, nous entamerons la dernière phase du projet qui consiste en plusieurs actions vers un public plus large (jeune et adulte) afin d’explorer les émotions liées au jeu vidéo découvertes tout au cours du projet :
- une collecte de témoignages de personnes de tous âges et horizons qui partagent la passion du jeu vidéo via une enquête en ligne ;
- un cycle ciné-débat (grand public) et ciné-classe (public scolaire), en partenariat avec le Kinographe autour de la thématique, combinant la projection d’un film, une discussion avec un·e intervenant·e expert·e et une animation jeu vidéo ;
- une journée d’étude (le 27.11. 2024 à KULT XL) sur la place du jeu vidéo dans nos sociétés, destinée principalement aux acteur·trice·s du secteur éducation, et plus spécifiquement aux enseignant·e·s, formateur·trice·s, éducateur·trice·s et autres professionnels qui travaillent au contact de joueur·euse·s et qui cherchent à mieux comprendre leurs motivations vis-à-vis des jeux vidéo et comment ces derniers peuvent être utilisés de manière constructive.
- une collecte de témoignages de personnes de tous âges et horizons qui partagent la passion du jeu vidéo via une enquête en ligne ;
Qui sommes-nous ?
Arts&Publics est une association d’Économie sociale d’insertion active dans l’Éducation au Patrimoine, l’Éducation aux Médias et l’Éducation permanente. Elle place les différents publics de la culture au centre de son action à travers 4 missions de médiation culturelle : la formation et l’insertion des artistes, l’animation citoyenne et la promotion des arts pour tous·tes.
Yassine Amrouch et Ekin Bal mènent le projet « Pourquoi tu joues ? » pour le compte de l’ASBL. Au sein du pôle Jeu vidéo & Société de l’association, ils animent depuis plusieurs années divers ateliers de médiation culturelle numérique autour de thématiques sociétales grâce aux supports vidéoludiques.
Le projet Pourquoi tu joues ?, mené avec l’appui de l’asbl Média Animation, est soutenu par le SPF Économie, Safe.Brussels et la Cellule Promotion de la Citoyenneté et de l’Interculturalité (PCI) de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Rédaction : Jean-Philippe Deraemaeker